Après des études de droit, Junot s’engage en septembre 1791 dans les
volontaires de la Côte-d’Or. D’une témérité à la limite de
l’inconscience, " Junot la Tempête ", comme le surnomment ses camarades,
est sergent dès juillet 1792. Envoyé au siège de Toulon, il y est
secrétaire de Bonaparte et devient son fidèle admirateur, partageant
avec lui l’adversité, profitant de sa fortune après le 13 vendémiaire an
IV (5 octobre 1795). Premier aide de camp de Bonaparte en Italie, il se
distingue à Millesimo, à Lonato, à Venise, est chargé de porter au
Directoire les drapeaux pris à l’ennemi et promu colonel. II fait, bien
entendu, partie de l’expédition d’Égypte, y devient général de brigade,
accomplit un exploit au siège de Saint-Jean-d’Acre en arrêtant avec 500
hommes une armée de secours de 25 000 Turcs, à Nazareth (8 août 1799).
Bonaparte ne peut le ramener avec lui, mais le fait revenir le plus tôt
possible, le nomme gouverneur de Paris (27 juillet 1800), général de
division (1801). Mais les excès de Junot inquiètent Bonaparte qui ne le
met pas sur la liste des maréchaux et l’envoie comme ambassadeur à
Lisbonne (mars 1805). Junot abandonne son poste pour être à Austerlitz.
Ayant pris la défense du banquier Récamier dont la femme tient un salon
où se retrouvent les opposants, Junot est une fois de plus disgracié et
envoyé à Parme réprimer une révolte. Puis l’Empereur pardonne et le
nomme à nouveau gouverneur de Paris (19 juillet 1806). Mais Junot se
comporte de façon toujours aussi extravagante, secondé par une épouse
aussi dépensière que lui, doublée d’une intrigante maladroite. La colère
de Napoléon se traduit par un nouvel exil. Junot est mis à la tête
d’une armée chargée de conquérir le Portugal trop favorable aux Anglais.
Entré en Espagne en octobre 1807, Junot est à Lisbonne à la fin de
novembre, nommé duc d’Abrantès et gouverneur du Portugal abandonné par
son roi réfugié au Brésil. En août 1808 débarque une armée anglaise de
10 000 hommes commandée par Wellesley, futur lord Wellington. Vaincu,
Junot négocie la convention de Cintra qui permet le rapatriement de
l’armée française. Après avoir fait la campagne de 1809 contre
l’Autriche, Junot repart pour l’Espagne, mais sous les ordres de Masséna
est grièvement blessé d’une balle au front à Rio Mayor (19 janvier
1811). Durant la campagne de Russie, Junot commet une faute énorme à
Valoutina (19 août 1812) en n’intervenant pas et en permettant aux
Russes d’échapper à une défaite décisive. Privé de son commandement,
Junot perd ce qui lui restait de raison. Nommé gouverneur des provinces
Illyrienne (20 fevrier 1813),il se présente a un bal de Raguse sans
autre vetement que ses décorations.
De graves troubles du comportement firent reconnaître son aliénation
mentale. Il fut rapatrié de force chez son père en Bourgogne.
Un soir, dans un accès de délire, il se défenestra, se fractura la
jambe, puis tenta de s’amputer avec un couteau de cuisine. Il succomba
quelques jours plus tard à des complications infectieuses, le 29 juillet 1813.
Il fut inhumé dans le cimetière de Montbard
dans la Côte-d'Or. Napoléon l’avait surnommé « Junot la
Tempête ».Son nom figure sur l’arc de triomphe de l’étoile.
Junot et Muiron furent les deux premiers aides de camp que Napoléon ait eus.
Anecdote: Ce fut alors qu'il entra dans ce
fameux bataillon des volontaires de la Côte-d'Or, si renommé par la
quantité
de généraux et de grands officiers de l'Empire sortis de ses rangs. Il
avait
pour chef l'aimable et malheureux Cazotte. Après la reddition de Longwy,
le
bataillon fut dirigé sur Toulon, qu'il s'agissait de reprendre sur les
Anglais.
C'était le moment le plus affreux de la Révolution. Junot était sergent
de
grenadiers, grade qu'il avait reçu sur le champ de bataille. Souvent, en
me
racontant les premières années de sa vie aventureuse, il me parlait de
cet événement
comme d'une chose immense dans son existence. Il disait, avec cet accent
qui
persuade parce qu'il est vrai, que dans le cours de sa carrière
d'honneurs,
rien ne lui avait donné un délire de joie comparable à ce qu'il avait
éprouvé
lorsque ses camarades, « tous aussi braves que lui », disait-il,
l'avaient
nommé leur sergent, que leur chef le confirmait dans ce grade et qu'il
était
élevé sur un pavois tremblant formé de baïonnettes encore fraîchement
teintes du sang de l'ennemi.
un jour au poste de la batterie des
Sans-Culottes, un commandant
d'artillerie, venu de Paris depuis peu de jours pour diriger les
opérations du
siège en ce qui regardait l'artillerie sous les ordres de l'intelligent
Cartaux,
demanda à l'officier du poste un jeune sous-officier qui eût en même
temps de
l'audace et de l'intelligence. Le lieutenant appelle aussitôt La
Tempête
et Junot se présente. Le commandant fixe sur lui cet œil qui semblait
déjà
connaître les hommes.
- Tu vas quitter ton habit, dit le
commandant, et tu iras là porter cet
ordre. Il lui indiquait de la main un point plus éloigné de la côte, et
lui
expliqua ce qu'il voulait de lui. Le jeune sergent devint rouge comme
une
grenade, ses yeux étincelèrent.
- Je ne suis pas un espion, répondit-il au commandant; cherchez un autre
que
moi pour exécuter votre ordre.
Et il se retirait.
- Tu refuses d'obéir? lui dit l'officier supérieur d'un ton sévère;
sais-tu
bien à quoi tu t'exposes?
- Je suis prêt à obéir, dit Junot, mais j'irai là où vous m'envoyez avec
mon uniforme, où je n'irai pas. C'est encore bien de l'honneur pour
ces...
Anglais.Le commandant sourit en le
regardant attentivement.
- Mais ils te tueront ! reprit-il.
- Que vous importe? Vous ne me connaissez pas assez pour que cela vous
fasse de
la peine et quant à moi, ça m'est égal... Allons, je pars comme je suis,
n'est-ce pas ?
Alors il mit la main dans sa giberne.
- Bien ! avec mon sabre et ces dragées-là, du moins la conversation ne
languira pas, si ces messieurs veulent causer.
Et il partit en chantant.
Après son départ, « Comment
s'appelle ce jeune homme? demanda l'officier supérieur.
- Junot.
- Il fera son chemin. »
Alors le commandant inscrivit son nom sur ses tablettes. C'était déjà un
jugement d'un grand poids, car on a facilement deviné que l'officier
d'artillerie était Napoléon.